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mercredi 5 septembre 2012

Philippe Tavernier (Numergy) : « C’est la première entité de cloud public à vocation européenne »

ITespresso du 8/09/2012

Interview du président de la « centrale d’énergie numérique pour les entreprises » qui aborde le démarrage des activités de cette structure dite de cloud souverain associant SFR, Bull et la CDC. 

Les projets « Andromède » (ou comment favoriser l’éclosion d’un « cloud souverain » par le biais du programme des « Investissements d’avenir ») se concrétisent.

Fruit d’une alliance entre SFR, Bull et la Caisse des dépôts et consignations, Numergy est lancé officiellement en tant que « producteur d’énergie numérique au service des entreprises et des institutions ».
Philippe Tavernier, ex-Président de Sogeti France (filiale du groupe Capgemini), prend la présidence de la nouvelle structure qui vient d’être inaugurée.
Il revient sur l’ampleur de Numergy et aborde sa place sur le marché du cloud en France.
En attendant le projet miroir associant Orange et Thales.

(interview réalisée le 05/09/2012)



ITespresso.fr : Quelle est la stratégie de Numergy dans le cloud ?
Philippe Tavernier : Nous sommes une centrale d’énergie numérique à destination des entreprises (grandes, petites ou jeunes pousses). Mais aussi des administrations et des institutions au sens large. Nous sommes la première entité de cloud public à vocation européenne. Mais, bien sûr, nous allons commencer en priorité par la France.

ITespresso.fr : Avec cette étiquette de « cloud souverain », dans quelle mesure vous vous démarquez du paysage traditionnel du cloud ?
Philippe Tavernier : Nous nous démarquons de certains acteurs américains puisque nous avons l’engagement de maintenir nos données sur le territoire national. C’est un premier élément de distinction. Secundo, nous sommes dotés d’un capital conséquent de 225 millions d’euros pour démarrer. Ce qui nous permet justement d’avoir le niveau de technologie et de sécurité dans le temps approprié à chaque offre et chaque cible de clients.
Enfin, nous avons l’appui d’actionnaires des secteurs public et privé (SFR, Bull, CDC) qui ont su élaborer une vision commune, créer une structure et mettre des capitaux. Cela fait pas mal d’éléments de différenciations. Ce qui me permet d’affirmer que nous sommes les seuls et les premiers à revendiquer ce positionnement.

ITespresso.fr : Dans quelle mesure ce projet revêt une dimension européenne ?
Philippe Tavernier : Au sein de l’Union européenne, il existe certaines règles communes à respecter. Un certain nombre d’entreprises européennes n’ont pas envie de répondre du Patriot Act américain [qui alimente une polémique dans le cloud, ndlr] avec des données qui se baladent entre Singapour et l’Oregon.
A travers la CDC, l’Etat français a pris une initiative intéressante. Cela nous permet de plaider auprès de la communauté européenne. Même si ce n’est pas notre priorité, nous aurons vocation à toucher les entreprises européennes. A ma connaissance, dans les autres pays européens, je n’ai pas vu d’initiatives similaires de cet ampleur.

ITespresso.fr : Quel canal de distribution allez-vous privilégiez pour vos premières offres commerciales dans le cloud ?
Philippe Tavernier : Nous commençons à constituer un réseau partenaire de distribution : sociétés de conseils, intégrateurs, SSII, opérateurs, éditeurs de logiciels, revendeurs…Ils seront à même d’être au plus près de toutes les typologies d’entreprises. Ils vont traiter la partie Software-as-a-Service (SaaS) que nous ne gérons pas directement c’est-à-dire l’engagement au cœur du métier. Numergy fournit les éléments d’énergie numérique avec un focus Infrastructure-as-a-Service (IaaS) et Platform-as-a-Service (PaaS).
Des discussions ont démarré. Il est évident que les actionnaires SFR et Bull se sont engagés à être les premiers distributeurs de l’offre Numergy. Mais ce n’est pas exclusif. Dès 2013, nous aurons une cinquantaine de distributeurs pour la première vague. Ce réseau constituera notre premier générateur de chiffre d’affaires.

ITespresso.fr : Il n’y aura pas d’offres directes estampillées Numergy ?
Philippe Tavernier : En fait, il y aura une offre à travers un « Web Store » pour cibler les particuliers et les TPE. Ils pourront acheter en paiement à l’usage des capacités en serveurs virtuels (machines, stockage) en fonction de leur besoin, associé à un environnement logiciel standard. Ils pourront développer eux-même leurs applications et les mettre en production. Dès que l’on parlera d’infrastructure, nous passerons par le réseau de distributeurs.

ITespresso.fr : Et vos offres cloud seront aussi compétitives que celles que l’on trouve sur le marché actuellement ?
Philippe Tavernier : Elles seront compétitives mais aussi explicites. Actuellement, sur le marché, on voit beaucoup d’offres intéressantes. Mais, elles sont présentées un peu à la manière américaine : le prix d’appel n’est pas cher mais il faut rajouter les taxes d’Etat et les taxes fédérales. Les niveaux de services (SLA) ne sont pas clairs. Chez Numergy, nous aurons une grille de lecture limpide et explicite à l’égard de nos clients. Et les tarifs s’inscriront bien sûr dans un marché concurrentiel. En tout cas raisonnable par rapport à la valeur que nous proposerons.

ITespresso.fr : Quelles sont vos capacités data center pour démarrer ?
Philippe Tavernier : Nous démarrons avec deux data centers. Le premier est basé dans le sud de la région parisienne. Le deuxième est basé en région Rhône-Alpes. Nous comptons déployer une quarantaine d’unités data center entre 2016 et 2020 sur le territoire nationale. Ce qui ne correspond pas forcément à 40 localisations physiques [répartition de déploiement entre centres de données physiques et centres de données virtuels, ndlr]. Nous disposons actuellement d’une puissance de 5000 serveurs et nous avons l’intention de monter rapidement avec l’équivalent de 50 000 serveurs.

ITespresso.fr : Pour assouvir vos propres besoins d’exploitation IT (sourcing), allez-vous privilégier l’écosystème IT français (hardware, logiciels, etc.) ?
Philippe Tavernier : Non, il n’y aura pas de primautés. Nous assurons seulement que ces unités de data centers seront hébergées en France avec des données qui resteront sur le territoire. Pour le reste, nous devons être à l’écoute de tout le marché. Bull est évidemment crédible pour répondre à un certain nombre de marchés. Ce qui veut pas dire que d’autres fournisseurs comme IBM pour les serveurs seront pas exclus. Nous sommes dans la technique pure. Et de toute façon, je n’aurais pas beaucoup le choix au regard de l’offre de marché finalement limitée. Mais nous serons attentifs aux éléments de garanties et de fiabilité qui iront avec.

ITespresso.fr : Un groupe d’hébergement français comme OVH mais aussi IBM évoquent à mots couverts des risques de distorsion de concurrence avec l’arrivée de services de « cloud souverain » soutenus par des fonds publics. Qu’en pensez-vous ?
Philippe Tavernier : A mon avis, l’Etat met l’argent où il considère que c’est important. Je ne suis pas convaincu que nos amis américains ont des leçons à nous donner en la matière. Qu’ils fassent également leurs preuves avec leurs propres éléments de différenciation. Nous sommes sur un marché de libre concurrence : le client choisira ce qui lui parait bon et approprié pour son avenir.
Avec Numergy, nous apportons quand même au moins trois bonnes nouvelles : un projet réalisé en six mois, la pertinence d’un partenariat public-privé et cela va créer de l’emploi.

ITespresso.fr : Quels profils de collaborateurs recherchez-vous en priorité ?
Philippe Tavernier : Sur les 400 collaborateurs embauchés à terme, on recrute surtout des ingénieurs plutôt diplômés en raison des éléments sensibles que nous aurons à traiter et des techniciens jeunes. Nous aurons également une population de commerciaux pour animer le réseau de distribution. Il y aura aussi un de services généraux transversaux (comptabilité, ressources humaines, etc.). Mais l’essentiel sera dévolu aux environnements technologiques.

ITespresso.fr : Récemment, Stéphan Ramoin, P-DG de Gandi.net, reprochait à des chasseurs de tête de tenter de débaucher ses collaborateurs. La recherche des talents nuit-elle à la dynamique de marché du cloud ?
Philippe Tavernier : je considère cela comme un bon signe du marché au regard des statistiques inquiétantes sur le chômage. S’il existe des vrais talents, c’est la loi de l’offre et de la demande. Il n’existe pas de chasse effrénée ou de mauvais coup sur ce volet. Nous aurons éventuellement une certaine compétition sur certains profils pointus. Mais j’espère que la France a la capacité de fournir 400 ingénieurs pour répondre à notre demande.
Nous abordons un problème de fond pour le recrutement d’ingénieurs qui sont majoritairement des hommes alors qu’il existe un vivier extraordinaire de femmes ingénieurs mais qui n’entrent pas dans le circuit du secteur IT. Nous irons à la rencontre des écoles et les accompagner sur certains cursus. Pourquoi ne pas instaurer des chaires « cloud » dans les universités ?

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